AÑO DALÍ 2004

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AÑO DALÍ 2004

Artículo de Información

Arts. A Barcelone, une exposition débridée amorce les cérémonies du centenaire Salvador Dali.

Complètement à la masse

Dali et la culture de masse, jusqu'au 23 mai à Caixa Forum, avenue Marques-de-Comillas, 6-8, Barcelone. Tél. : 00 34 93 476 86 00. Toutes les expos sur www.salvador-dali.org ou www.dali2004.info.

La célébration du centenaire de Salvador Dali-Domenech, né le 11 mai 1904 carrer Monturiol à Figueres, a déjà commencé. A Figueres même, siège de l'un des deux grands musées consacrés à l'artiste (avec celui de Saint Petersburg, en Floride), la fête des Rois a été le prétexte à un défilé de marionnettes géantes représentant Salvador et sa compagne Gala.

«Anti-art». Et même si, a priori, la grande manifestation de ce centenaire se déroulera en septembre à Venise, puis à Philadelphie, en février 2005, Barcelone n'est pas en reste avec deux expositions. L'une sur les relations affectives de Dali (Duchamp, de Chirico, Breton, Man Ray... au Palau Moja, jusqu'au 18 avril). Et l'autre, surtout, qui raconte les rapports de l'artiste le plus médiatisé de son époque avec la culture de masse (1).

«Dali et la culture de masse» évoque d'abord les débuts de l'artiste catalan. D'un autoportrait de 1923 d'inspiration cubiste avec l'Humanité, journal du PCF, en fond, à la Muchacha de Figueres, jeune fille sur un balcon devant une publicité pour une marque d'automobiles américaines, la période «anti-art» prévaut. Le peintre revient en Catalogne après des années passées à Madrid, où il s'est acoquiné avec Federico Garcia Lorca et Luis Buñuel.

«Avida Dollars». Seul dans sa province d'Ampourdan, il épouse son temps, écrit des lettres et des articles sonnant comme les proclamations des avant-gardes futuristes ou dadaïstes. En 1928, il est cosignataire d'un manifeste antiartistique catalan célèbrant le cinéma, le sport, la voiture, les défilés de mode, les paquebots, les gramophones, les journaux, les appareils photo (2)... Comme les aventures du subconscient l'intéressent, il s'apparente vite au surréalisme qui bouleverse la France. Quand il arrive à Paris à la fin des années 20, il rejoint naturellement le groupe des amis de Breton.

Cette période est représentée dans l'exposition par quelques-unes de ses toiles les plus célèbres. Tel le Sacré-Coeur, encre sur lin noir sur laquelle est écrit en français : «Parfois je crache par plaisir sur le portrait de ma mère.» Exposée à Paris en 1929, cette provocation lui vaudra d'être jeté de chez lui par son notaire de père. Un peu plus tard, Breton l'excommuniera pour divers griefs, surtout celui d'être trop attiré par l'argent (il lui donnera comme surnom l'anagramme Avida Dollars).

Sculptures involontaires. Par la suite, Dali va lâcher la bride à son délire. A la foire mondiale de New York en 1939, il propose un bâtiment aberrant rempli de monstres et de femmes-poissons. Les photos d'Eric Schaal prises à l'époque restituent l'ambiance de bricolage qui préside à cet événement. Mais ne disent pas les conflits qui opposent Dali à son mécène et aux responsables de la foire. La photo ne fut pas qu'un moyen de capter l'activité du grand délirant. L'exposition rappelle aussi la rencontre avec Man Ray, au début des années 30, que Dali balade sur la Costa Brava à la découverte des roches étranges, ou à Barcelone, au pied des oeuvres de Gaudi, l'architecte hyperbaroque de la fin du XIXe siècle.

A la même époque, il imagine avec Brassaï les «sculptures involontaires» que peuvent être un bout de jambon ou un ticket de bus enroulé. Et quand Dali croise le regard du portraitiste Philippe Halsman (1906-1979), c'est l'explosion. Deux folies s'additionnent. Ensemble, ils enfanteront la série exceptionnelle du Dali atomicus, suspension dans les airs de chats, de toiles, d'un jet d'eau et de l'artiste.

Et le cinéma ? La section de l'exposition est superbe, avec les dessins que l'artiste a réalisés pour un projet de film Disney et ceux qui servirent à la séquence des rêves de la Maison du Dr Edwards de Hitchcock. Mais cette section est réduite, à l'image de la place qu'a occupée le cinéma dans la vie créative de Dali. Aimant passionnément Buster Keaton, Harry Langdon et Charlot, et rêvant de faire des films, il eut à son actif plus de projets avortés que de réussites.

Fracassant. Et encore a-t-on l'habitude de réduire son apport pour mieux souligner celui de Luis Buñuel. Afin d'évaluer avec plus de justesse la contribution dalinienne à l'Age d'or et surtout au Chien andalou, il convient de lire un petit livre de Joan Minguet Batllori (3). Dans cet essai très clair, l'historien montre ce que Buñuel doit à son ami catalan. Par exemple, sa conscience surréaliste. Il explique aussi combien le Chien andalou, si proche du cinéma des origines, sensoriel et antinarratif, que réclamaient les avant-gardes de l'époque, participe de la sensibilité du peintre, non seulement par ses images les plus fracassantes, mais par son ton général.

(1) L'exposition sera à Madrid de juin à août puis en Floride à Saint Petersburg (oct.-déc. 2004) et à Rotterdam (février-avril 2005).

(2) Une exposition sur ce manifeste aura lieu à partir du 17 juin à la fondation Miró à Barcelone (Montjuïc).

(3) Salvador Dali, Ciné y Surrealismo(s), Parsifal ed., 20 €.

(envoyé spécial à Barcelone)

Libération
Par Edouard WAINTROP
Sábado 21 de febrero de 2004